Plus la ficelle est grosse… Une querelle de chiffres

Publié le par Sauvons l'Ecole Pour Tous Bruche

« Il y a un peu plus de 400 000 élèves de moins dans l’Education Nationale depuis 10 ans et il y a 45 000 professeurs de plus. »

Nicolas Sarkozy a tenu ces propos au micro de RTL, le 27 février 2012, afin de discréditer la proposition de son principal adversaire de créer 60 000 postes dans l’Education Nationale en 5 ans. Et d’ajouter : "S'il suffisait d'embaucher des profs pour que l'école fonctionne et que les profs soient heureux, on devrait avoir l'école qui fonctionne le mieux au monde et les professeurs les plus heureux du monde."

Intrigué par ces chiffres, le journal Le Monde a publié une enquête qui contredit totalement les propos du président-candidat. En effet, les données de l’Insee indiquent bien une baisse des effectifs dans le primaire et le secondaire, pour la période 2000 à 2010 (chiffres les plus récents), mais une baisse de 149 000 élèves et non pas de 400 000. Les sources du Ministère de l’Education Nationale font, elles, apparaître une baisse de 170 159 élèves.

Concernant le nombre d’enseignants (1), il faut s’en référer aux sources du Ministère de l’Education car le site de l’Insee ne permet pas de trouver les données pour l’année 2000-2001 et donc de comparer. Et ces chiffres indiquent qu’entre 2000-2001 et 2010-2011, le nombre d’enseignants recrutés par l’Education Nationale est passé de 705 387 à 672 602, soit une baisse de
32 785. Il faut compter dans ces personnels, les enseignants, mais aussi les personnels des administrations qui représentent environ 22% des effectifs.

Mais, là aussi, le journal omet un détail de grande importance. Il s’agit du nombre de personnes, non pas du nombre de postes, qualifiés par l’administration « d’emplois temps plein ». En effet, le travail à temps partiel est très développé à l’Education Nationale, soit par choix pour élever les enfants, cela reste massivement l’apanage des mères de famille et la profession est très fortement féminisée (2), soit par contrainte, car le ministère a recruté massivement des vacataires qui n’effectuent que quelques heures par semaines, notamment dans le secondaire, ou des remplacements
de courte durée.

Il est évident que pour les enfants et les familles, le taux d’encadrement ne peut être considéré qu’en terme de postes à temps plein car, par exemple une classe de 30 élèves dans le primaire, encadrée par deux enseignants travaillant à mi-temps, reste une classe de trente élèves et ne se transforme pas par magie en deux classes de 15 élèves, comme pourrait le laisser croire le rapport classe/personnels.

Sous cet angle, il faut se référer aux budgets annuels consacrés aux salaires du MEN et calculés en équivalents temps plein et là, les chiffres deviennent effrayants.

2003 : 1486 suppressions de postes équivalents temps plein à l’Education Nationale
2004 : 5100 suppressions
2005 : 5783 suppressions
2006 : 200 suppressions
2007 : 8701 suppressions
2008 : 11200 suppressions
2009 : 13500 suppressions
2010 : 16000 suppressions
2011 : 16000 suppressions
2012 : 14 000 suppressions (qui deviendront effectives à la rentrée 2012)

Soit 91 970 postes disparus en 10 ans, avec pour conséquences des classes surchargées, des remplacements non assurés, des temps d’enseignements qui ne sont plus respectés pour certaines matières dans le secondaire, des aides aux enfants en difficultés en voie de disparition, etc… L’état-major de campagne de Nicolas Sarkozy a quelque peu rectifié les chiffres donnés à la radio en indiquant que cette évolution portait sur vingt ans et non pas dix. Mais là non plus, il n’y a aucune commune mesure entre les propos et la réalité. 
Alors, l’intox est évidente. Les auditeurs ont été très nombreux à entendre les chiffres annoncés à la radio et très peu ont eu connaissance de l’erratum diffusé par l’UMP. Mais les familles qui ont des enfants scolarisés ne sont plus dupes. Il s’agit ici des enseignants du primaire et du secondaire, qui dépendent du Ministère de l’Education Nationale. Les enseignants du supérieur dépendent d’un autre ministère, celui de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

Féminisation dans l’enseignement : Préélémentaire 93%, Elémentaire 78% (mais que 38% dans le corps des inspecteurs), Collèges 63%, Lycées
50%.

Jean-Paul Walter
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article