EPEP blanc et blanc EPP

Publié le par Sauvons l'Ecole Pour Tous Bruche

Le député UMP Frédéric Reiss a remis le 29 septembre à Luc Chatel son rapport " Quelle direction pour l’école du 21ème siècle ? " C’est que le problème est bien réel : le directeur d’école, c’est l’Hercule des ronds-de-cuir. Le directeur a toutes les responsabilités mais aucun pouvoir. Ses tâches administratives deviennent à chaque rentrée plus nombreuses et plus courtelinesques. Chaque année des milliers de postes de direction ne trouvent pas preneurs et les instits doivent tirer à la courte paille pour savoir qui qui qui...

 

Naïf, je m'attendais au moins à ce que le rapport reconnaisse que, oui, en effet, on peut considérer qu'il y a un certain abus dans l'avalanche de tâches inutiles, parfois ridicules mais toujours accablantes qui nous sont infligées. Mais rien de tout ça! Huit propositions concluent un rapport qui débute par une critique sévère, forcément sévère, de l'école primaire "aux résultats très préoccupants" et qui laisserait partir 40% de jeunes "sans moyens pour réussir" rien de moins. Pour y remédier, Frédéric REISS, disciple zélé, manie gaillardement le Kärcher. C'est parti...

 

Pour commencer, on supprime carrément les écoles de village (10% des écoles françaises n’ont qu’une classe, c’est intolérable) et on rassemble tous les enfants dans des RS (Regroupements Scolaires) sous convention avec les académies et les communes. Ça ne vous rappelle rien ? Le mot est nouveau mais l’idée ancienne, puisque c’est ni plus ni moins que le projet d’EPEP qui avait suscité une levée de boucliers en 2008, ressorti des poubelles et grossièrement maquillé. F REISS s’en cache d’ailleurs à peine.

 

Mal consolé que le décret d’application des EPEP ne soit jamais paru, il revient à la charge avec l’EPP ou E2P (Etablissement Public du Primaire). Ça a le goût de la concurrence, l’odeur de la flexibilité, la couleur du caporalisme mais il paraît que ce n’est pas un EPEP. On aurait donc un directeur entièrement déchargé, " leader pédagogique ", qui gère son budget, choisit les enseignants, embauche les EVS et fait marcher son monde au pas cadencé. Il négocierait le " contrat pédagogique " avec les collectivités locales. Et les IEN, eux, n’auraient plus qu’à évaluer les enseignants en fonction des indicateurs de performances. Rêvons un peu... " Bonjour Madame, vous avez dépassé les objectifs fixés par votre " leader pédagogique " ? C’est très bien, je vous augmente d’un point. Au revoir Madame, à l’année prochaine. " Voilà, à peine caricaturé, à quoi ressemblera une inspection. Foin de pédagogie, de joie d’apprendre ou de respect de l’enfant.

 

Pas étonnant au fond puisque les enseignants sont d’ores et déjà notés sur les résultats des enfants, pardon des élèves, et que les projets d’écoles doivent désormais fixer des objectifs chiffrés en termes de réussite aux évaluations nationales. On se demandait à quoi pouvaient bien servir ces évaluations mal fagotées qui n’apportent rien aux enfants. Maintenant on le sait : elles servent à valoriser le capital humain des écoles. Comme à France-Télécom, comme partout où se réalise le miracle de la commercialisation du monde, la fin justifie les moyens.

 

Plus fort encore, Frédéric REISS propose de fusionner un EPP avec le collège qu’il alimente en têtes blondes. Ainsi, en plaçant dès la maternelle les enfants au collège, ceux-ci s’adapteraient mieux au secondaire. Non, non, ce n’est pas du Pierre Dac ! Ça s’appellerait un " établissement du socle commun ". C’est écrit noir sur blanc et c’est prodigieux, non ?

 

Et notre DRH de l’Education Nationale, qu’en pense-t-il, lui de tout ça? Il est positivement ravi de ce rapport pondu sur mesure. Il va "mettre en étude" certaines de ces propositions "en écho avec la préparation d’un plan numérique pour l’école, en relation avec la réflexion sur les rythmes scolaires ou en complément du plan de lutte contre l’illettrisme". Il estime que "l’esprit général de ces propositions coïncide avec la méthode et les orientations choisies" (par lui) : "tenir compte des réalités", "mettre en valeur les initiatives d’équipes", "responsabilité accrue pour les acteurs locaux".

 

Ici, les petites ambitions opportunistes piétinent d’impatience, les appétits de pouvoir de certains " acteurs locaux " s’aiguisent déjà à l’idée que ce projet " globalement positif " voit enfin le jour. Chacun aura compris ce qui nous attend si nous ne résistons pas.

Frédéric Guillin

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article